Les sermons ad populum de Maurice de Sully et leur adaptation française : chapitre 1

CHAPITRE I - La doctrine

Le rôle des sermons, et particulièrement des sermons ad populum est évident. Ils étaient un outil principal de l'enseignement de la doctrine catholique. Mais cet enseignement ne pouvait être donné d'une manière quelconque. Tout sermon prononcé au cours d'une célébration eucharistique (c'est le cas des sermons de Maurice de Sully) s'inscrivait dans un cadre très précis des lectures prévues pour le jour donné. Il était donc habituel que la prédication soit une sorte de commentaire de l'Évangile du jour. Il s'agissait, essentiellement, de rendre cette Parole vivante, de transposer les faits historiques dans la réalité contemporaine. Chaque auditeur devait en fait voir dans des récits évangéliques sa propre vie, ses propres soucis et joies. Par ce besoin d'explication et d'actualisation de l'Évangile les sermons sont étroitement liés à l'exégèse biblique. Les prédicateurs profitaient largement du travail des exégètes. Maurice de Sully, ami des Victorins, s'inspirait beaucoup de leur interprétation de l'Écriture. Mais tout en ayant recours à l'exégèse, le prédicateur devait prendre en compte les capacités intellectuelles de son auditoire d'une part, et de l'autre, ses besoins. Les différences entre le texte latin de Maurice de Sully et le texte français (qu'il soit l'oeuvre du même auteur, ou d'un adaptateur anonyme) relèvent justement de ces deux préoccupations. Dans ce chapître je vais étudier seulement ces différences, du point de vue doctrinal. L'analyse doctrinale de l'ensemble de l'oeuvre de Maurice a été faite par J. Longère [1] et la résumer ici prendrait trop de place et serait en fait superflu.

Je crois que l'auteur de la version vernaculaire voulait rendre le texte des sermons encore plus facile à comprendre pour les laïcs de cette époque, et tout en le simplifiant, il l'a centré beaucoup plus sur des questions doctrinales qui étaient particulièrement pertinentes pour ses ouailles.

Du point de vue de la doctrine il y a donc, dans la version française des petits changements qui, sans bouleverser le fond de l'enseignement catholique, déplacent les accents: certaines questions sont plus fortement soulignées, d'autres - passées sous silence.

1) "Juifs et païens"

Dans la plupart de ses sermons Maurice de Sully se réfère à l'exégèse pour expliquer le sens allégorique de l'Évangile du jour. Il arrive alors que certaines images bibliques sont traditionnellement interprétées comme liées à la dimension missionaire du christianisme. Dans trois des sermons du Carême, l'allégorie évangélique est interprétée dans ce sens. Le premier de ces exemples se trouve dans le sermon pour le deuxième dimanche du Carême:

25 Sed mulier Cananea totiens pro filia sananda rogat, quotiens sancta ecclesia pro incredula gentilitate conuertenda deum postulat, et filia sanatur quando aliquis de paganismo ad christianitatem conuertitur. (T20, 25)

Maurice de Sully donne dans ce sermon deux explications du personnage de la malade, fille de la femme cananéenne. Selon la première de ces explications, la fille symbolise tous ceux qui sont en dehors de l'Église, faute de foi. Tous ceux qui ne connaissent pas le Christ. Et le prédicateur dit que la fille est guérie, quand un non croyant embrasse le christianisme. D'après la deuxième, la même fille signifie les "mauvais chrétiens", tous ceux qui confessent la réligion catholique, mais ne se conforment pas à ses commendements.

La version française omet la première explication. Son auteur considère sans doute que les préoccupations missionaires sont peu importantes dans le cadre de la prédication ad populum.

Il en est de même dans le sermon pour le troisième dimanche de Carême:

8 Multi enim sunt exceptis iudaeis atque paganis qui extra sancta ecclesia sunt uel consistunt et per infidelitatem uero lumine et uera loquela priuati daemonis possessio facti sunt. (T21, 8)

18 Quod totiens facit, quotiens uel aliquos ex iudaeis uel aliquos ex paganis ab infidelitate ad fidem, uel aliquos ex reprobis et falsis christianis de prauitate ad sanctitatem conuertit. (T21, 18)

Le muet guéri par Jésus peut symboliser les juifs et les païens, privés de la parole à cause de leur manque de foi chrétienne. Le miracle raconté dans l'Évangile est alors une allégorie d'un miracle qui se réalise à toute époque, quand le Christ fait venir des juifs et des païens à la religion chrétienne. Comme dans le sermon précédent, toute mention des juifs et des païens a été supprimée dans le texte français. Son auteur n'a gardé que la deuxième explication, selon laquelle le muet symbolise les "mauvais chrétiens" et le miracle se répète à chaque fois quand le Christ les ramène sur le droit chemin.

La même dimension universelle et missionaire du christianisme se trouve depeinte dans le sermon pour les Rameaux:

15 Dignatus est autem asinam siue pullum equitare dominus non solum ut uilia et rustica animalia equitando nobis humilitatis exemplum monstraret, sed ut etiam et iudaicum et gentilem populum suae fidei et seruitio se subdaturum et Ierusalem supernam inducturum nobis in hoc facto significaret. (T24, 16)

Et de nouveau ce passage est omis dans la version française. Je crois que l'auteur de celle-ci a renoncé à toute interprétation faisant référence à la préoccupation missionaire. En effet, le prédicateur qui allait se servir de ce manuel n'aurait affaire ni aux païens ni aux juifs, ni même aux potentiels missionaires. Il devait donc - tel était, je crois, le raisonnement de l'adaptateur - se concentrer sur les "mauvais chrétiens", sur ceux qui ont été baptisés et affirmaient leur foi en Jésus Christ, mais ne vivaient pas selons Ses commandements.

2) péchés

Puisque le prédicateur parle aux chrétiens, puisque son but principal est de les exhorter à ce qu'il renoncent aux péchés et fassent bonnes oeuvres, il doit évidemment leur indiquer explicitement les actions à éviter et celles à accomplir. Dans les deux versions - latine et française - le thème du péché ainsi que celui du "devoir" est très important. Il y a cependant des différences frappantes quant à la manière de concevoir ce problème.

Dans le premier sermon du Carême, le prédicateur parle de la necessité du jeûne. Il commente en fait la lecture évangélique sur la tentation de Jésus au désert et, après avoir expliqué que le Seigneur n'avait pas besoin de jeûne, étant Lui-même sans péché, et qu'Il l'avait fait pour nous donner l'exemple à suivre, il compare la tentation du Christ à celle que subissent les chrétiens. Il y a alors une courte liste des péchés que le diable peut suggérer aux hommes:

45 Ipse ergo qui deum temptauit, seruos eius id est christianos fideles, quando ieiunare uolunt et debent, de edacitate, de crapula et ebrietate temptare non desinit. (T19, 45).

26 Il nos temptera de fraindre la sainte geüne, e de trop mangier e de trop boire, e d'autre[s] peciés faire (T19, 26)

Dans ces deux passages, le texte français reprend assez fidèlement la version latine. Deux péchés principaux que tout chrétien
doit éviter - surtout au temps du Carême - c'est celui de "trop manger" et celui de "trop boire". En latin, nous trouvons trois termes: edacitas, crapula, et ebrietas, le péché de "trop boire" étant exprimé par deux substantifs presque synonimiques. Ebrietas c'est, bien sur, l'ivresse, et crapula, c'est ce qu'on appelle en français familier, la "gueule de bois". Le texte vernaculaire, comme on le voit, ne donne qu'une seule expression pour désigner le péché de "trop boire", mais en même temps, pour garder la structure trinaire, il rajoute un syntagme assez vague "e d'autres peciés faire".

Plus loin la version latine contient encore une énumération des péchés. C'est une mise en garde pour tous ceux qui croient avoir liberté de commettre des péchés parce qu'il font beaucoup de bonnes oeuvres:

27 Nemo itaque se seducat. 28Nemo dicat: 29Si cotidie uel fornicando, uel ad usuram commodando uel alio quodam modo legem dei transgrediendo pecco.. (T19, 27)

La structure trinaire y est maintenue avec deux péchés concrets: fornication et usure et une expression plus générale "transgresser la loi de Dieu de quelconque autre manière".

Les divergeances entre les deux textes sont plus grandes dans le sermon pour le deuxième dimanche de Carême:

27
Quam diu namque diabolus miserae animae siue per immunditiam, siue per fornicationem, siue per adulterium, siue per ebrietatem, siue per | odium, siue per aliquam aliam damnabilem culpam dominatur, tam diu non inmerito et daemonio possidetur et torquetur. (T20, 27)

22 La fille en cui li diable estoit senefie l'anme al peceor crestien, u a la peceresse crestiene, cui li diables a asise, e en cui il regne par
pechié, e cui il demaine si com il vuelt, par fornication, u par avultere, u par covoitise, u par glotonie, u par ivrece, u par haine mortel, u par usure, u par vendre a terme, u par autre pecié dampnable. (T20, 22).

On voit clairement que l'auteur de la version vérnaculaire a agrandi la liste des péchés en y rajoutant la gourmandise, l'usure, et le "vendre à terme". Quant à la convoitise, le mot semble traduire le terme latin de immunditia. Ce n'est pas une traduction qu'on aurait attendue, mais les deux mots semblent se référer au domaine sexuel. L'apparition des trois péchés supplémentaires est tout à fait pertinente. Dans tous les sermons du Carême, le péché de la gourmandise n'est explicitement présent qu'une seule fois dans la version latine. Le fait est bien étonnant. Par contre, nous le retrouvons à quatre reprises dans le texte français. Quant à l'usure, elle est en général rarement mentionnée par le texte latin, et très souvent mentionnée par le texte français. Le plus frappant est le phénomène de "vendre à terme" [2] . Complètement absent de la version latine, ce péché apparaît constamment dans le texte français.

Le troisième dimanche du Carême c'est le jour, où on lisait (ce n'est plus le cas) le passage de l'Évangile racontant le miracle par lequel Jésus a chassé le mauvais esprit du corps d'un muet. Dans l'explication allégorique de ce miracle, le prédicateur situe traditionnellement une liste des péchés:

4 Cist hom de cui Nostre Sire jeta le diable, senefie les malvais crestiens cui diab[l]es porsiet, e en cui il regne par pecié de glotonie, u d'ivrece, u de fornication, u d'autere, u d'usure, u de vendre a terme, u par autre pecié damnable. (T21, 4)

Un peu plus loin il explique le sens allégorique du mutisme, qui consiste au fait que le diable prive l'homme de la possibilité de se confesser. (12Numquid non mutus est qui peccata sua confiteri aut nescit, aut erubescit? -T21, 12). Mais contrairement au texte latin, la version française contient en plus une intéressante et importante considération:

6
<Il nes a pas amuïs ne tolue la parole de mentir, ne de mal dire, ne de conseillier autrui de [mal] faire, u de parler d'ordure, u de lecerie, u de jurer Nostre Segnor e ses sains e ses saintes, de dire ço qu'il ne devroient - de ço nes a il pas amués! (T21, 6)

Dans l'énumeration des choses qu'un "muet spirituel" peut dire, le prédicateur insère la liste des péchés "de langue", tout à fait absente dans les sermons latins. Soulignons, en passant, que la version latine de ce sermon ne présente pas du tout de liste des péchés.

Le sermons pour le quatrième dimanche commente l'Évangile sur la miraculeuse multiplication du pain. Il y est donc question de la faim que Dieu peut assouvir. Les deux textes opposent la faim des choses terrestres à celle des biens spirituels. Du coup le désir des choses d'ici-bas acquiert un aspect pécheur:

26 Multi namque esuriunt, id est concupiscunt aurum et argentum et lapides pretiosos, uestes pulchras, domos, agros, uineas, greges, armenta, principatus, honores, comessationes et ebrietates, cubilia et impudicitias et cetera talia, quae carni quidem sunt delectabilia. (T22, 26)

25 Cil ont faim d'autre cose qui aiment e covoitent a avoir terriene ricece plus que Deu; cil ont male faim qui aiment or e argent, vingnes, terres, maisons, u aucune ricece terriene contre Deu; 26cil a male faim, par iceste covoitise tent il al feu d'infer; ensement qui aime pecié de luxurie, de fornication u d'altere, de glotonie u d'ivrece u d'autre pecié dampnable cil est malement affamés. (T22, 25-26)

En comparant ces deux passages, on voit qu'ils sont bien différents. Premièrement l'auteur de la version française semble plus prudent dans sa condamnation des désirs terrestres. Tandis que Maurice de Sully mettait dans le même ensemble l'or, l'argent et l'impudeur, l'adaptateur suggère qu'aimer et convoiter les richesses, l'or, l'argent et d'autres possessions n'est un péché que si l'on les préfère à Dieu, ou qu'on les désire "contre Dieu". Ce qui veut dire sans doute, les désirer contre Sa volonté ou vouloir les acquérir de manière contraire à Ses commandements.

Ensuite, l'adaptateur rajoute à ces remarques une liste des actes qui sont toujours condamnables, ce qui souligne encore l'ambuiguïté éthique des richesses mondaines (qui ne sont pas mauvaises en tant que telles, mais peuvent devenir mauvaises si on s'en sert de manière inconvenable). Ces péchés par excellence sont: la luxure, la fornication, l'adultère, la gourmandise et l'ivresse - tous des actes concrets et, pour ainsi dire, quotidiens.

Une liste des péchés est aussi présente dans le sermon pour le cinquième dimanche:

14
Praecipit denique nobis diuina scriptura terribiliter prohibendo, ut nullo uitio uel damnabili peccato nos polluamus, ut nec fornicemus, nec adulterium committamus, nec ad usuram commodemus, nec furtum nec rapinam faciamus, nec cetera talia quae ad damnationem aeternam pertrahunt, facere praesumamus. (T23, 14)

12 <Cil ki oent volentiers le parole Deu, e la retienent, e la metent ad uevre, e laissent iceles choses qu'il deffent en sa loi: les covoitises
, les deslialtés, les usures, le[s] roberies, les larecins, les glotonies, les ivreces, e les altres lecheries qu'il deffent a home qu'il nes face; (T23, 12)

Ici encore la liste française et nettement plus longue que la liste latine. Elle est aussi différente. Les péchés sexuels auxquels le texte latin fait référence en employant deux termes: fornicare et adulterium, sont couverts par un seul terme français: convoitises. [3] D'autres actes defendus tels que le vol et la rapine (furtum, rapina) sont traduits en français par des mots: roberies et larecins. Le texte latin ajoute encore à cette liste le péché de l'usure. Bien sûr, ce péché figure dans la version française dont l'auteur semble particulièrement sensible à ce phénomène. À cette énumération empruntée du texte latin l'adaptateur rajoute la gourmandise, l'ivresse et la lecherie, mot signifiant le plus probablement "l'extême gourmandise".

Mais sur cette liste il y a encore un autre terme bien important, celui de la deslialté, la "déloyauté". C'est un péché rare, jamais mentionné dans la version latine. Il est, bien sûr, lié au système féodal du Moyen-Âge. De même que d'autres termes typiquement médiévaux, la déloyauté semble introduite par l'adaptateur soucieux de rendre sa prédication plus proche de la vie quotidienne de ses auditeurs.

Le sermon pour le dimanche des Rameaux contient également une énumération des péchés. Dans la version latine ils sont suggérés sous forme d'adjectifs:

34 Exeat itaque malus et procedat ad bonitatem, impius ad pietatem, peccator ad sanctitatem, superbus ad humilitatem, iracundus ad
mansuetudinem, contentiosus ad pacem, inuidus ad caritatem, auarus ad largitatem, ebriosus ad sobrietatem, luxuriosus ad castitatem, mendax ad ueritatem. (T24, 34)

Cette liste reprend la plupart des péchés capitaux: l'orgueil, la colère, l'envie, l'avarice, l'ivresse (ici séparée de la gourmandise) et la luxure. Ce qui y manque c'est la paresse. La liste est par contre élargie par le penchant aux querelles et le mensonge.

L'auteur de la version vernaculaire a cette fois-ci abrégé la liste. Il a aussi supprimé le procédé rhétorique de Maurice de Sully consistant en l'énumération des vices contrastés avec des vertus:

29 Trespassons de malvaistié en saintée, d'orguel en humilité, de haine en carité, de luxure en netée, d'avarisse en largece. (T24, 29)

Toute raccourcie qu'elle soit, cette liste est pourtant très significative. On y a supprimé la colère, le penchant aux querelles, l'envie, l'ivresse et le mensonge. Trois de ces cinq péchés ne sont pas des actes mais plutôt des attitudes. Cette remarque est bien pertinente car, en général, dans l'ensemble du texte français les péchés "du coeur" ont une place beaucoup moins importante que dans le texte latin.

Pour finir cette analyse du problème du péché, il est intéressant d'assembler les faits dans un tableau:

version latine

version française

immondice

1

0

fornication

3

3

adultère

2

3

convoitise

0

2

luxure

1

2

cubilia (le fait de coucher)

1

0

impudeur

1

0

ensemble des péchés sexuels

9

10

ivresse

3

4

gourmandise

1

4

usure

2

3

vendre à terme

0

2

vol

1

1

rapine

1

1

mentir

1

1

mal dire

0

1

conseiller de mal faire

0

1

parler d'ordure

0

1

parler de lecerie

0

1

jurer

0

1

déloyauté

0

1

avarice

1

1

ensemble des actes pécheurs

18

33

impiété

1

0

colère

1

0

penchant aux querelles

1

0

envie

1

0

orgueil

1

1

haine

1

1

ensemble des attitudes pécheresses

6

3

ENSEMBLE

24

36

La première conclusion qui saute aux yeux c'est le nombre nettement plus important des mentions de péchés dans le texte français. Cette observation est valable pour l'ensemble des sermons. Ensuite, les péchés "du coeur" constituent un quart des péchés mentionnés dans la version latine. Ils ne sont qu'un onzième dans la version française. Ce déplacement d'accents vers les péchés concrets, commis en tant qu'actes est très significatif. L'auteur du texte vernaculaire a visiblement voulu se concentrer beaucoup plus sur le comportement extérieur que sur les attitudes intérieures. De ce fait la version française est beaucoup moins héritière de l'ancienne tradition homilétique qui remonte jusqu'aux premiers siècles du christianisme; elle est en revanche beaucoup plus soucieuse des problèmes contemporains.

3) devoirs

La même règle est facile à cerner dans le choix qu'a fait l'adaptateur quand il traduisait en français les commendements concernant les devoirs d'un bon chrétien.

Dans le sermon pour le premier dimanche de Carême on retrouve les trois principales bonnes oeuvres que le chrétien doit accomplir: le jeûne, la prière et l'aumône [4] :

5 Debetis itaque uosmet ipsos primum mundare ut ieiuniorum, orationum, elemosinarum uestrarum dona in his diebus digne et acceptabiliter deo ualeatis offerre. (T19, 5)

L'adaptateur du texte français a pris soin d'élargir cette liste:

3
Ore vos devés donques esforcier de geüner e d'aler a Sainte Eglise, de Deu proier, d'oïr le suen servise, de vos faire confés, de faire aumosnes e de vos acorder a Nostre Segnor de tos vos mesfais. (T19, 3)

Il a en fait compilé deux passages. Dans le texte latin nous trouvons, un peu plus loin cette remarque.

51 Non solum autem in his diebus continue debemus ieiunare, sed et ecclesias cotidie frequentare et orationibus uacare et elemosinas solito largius erogare.

Quant au devoir de la confession, il est mentionné - dans le texte latin - de manière générale: debetis vosmet ipsos primum mundare "vous devez d'abord vous purifier vous-même", ce qui est une allusion assez claire au sacrement de la pénitence. La version vernaculaire est ici beaucoup plus explicite: les fidèles doivent se confesser et se reconcilier avec le Seigneur [en demandant pardon] de tous leurs péchés. Plus loin, dans le même sermon, nous avons affaire à une situation semblable:

61 Non tantum ergo ieiuniis | et orationibus, sed elemosinis insistamus (T19, 61)

30
Jo n'en fraindrai mie ma geüne, ne jo ne mangerai mie ne ne bueverai trop, ne rien ne ferai que tu m'amonestes; mais jo geünerai, jo travaillerai ma car, jo crierai merci a Deu, jo ferai aumosnes por mes peciés raiembre. (T19, 30)

L'auteur de la version française enrichit l'ensemble de trois devoirs traditionnels, en y ajoutant la mortification de la chair. L'idée de la prière est également exprimée par un syntagme différent: "crier merci à Dieu", ce qui rend la vieille triade "jeûne, prière, aumône" plus vive et plus originale.

Cette triade apparaît également dans le sermon pour le troisième dimanche du Carême. C'est un sermon dont le thème principal est la confession. Le texte français, se concentrant sur ce sujet, ne se réfère donc pas aux bonnes oeuvres. L'auteur de la version latine par contre n'a pas peur d'accumuler des motifs et des digressions. Ce pourquoi, à l'occasion d'un discours sur la confession, il rajoute en passant la fameuse triade:

22 Ista quippe tria peccatori ad reconciliandum sibi deum sunt necessaria: primum scilicet ut de culpa sua in corde paenitendo et dolendo compungatur;
secundo ut ipsam culpam ueraciter et humiliter suo sacerdoti confiteatur; tertio ut iniunctam sibi paenitentiae satisfactionem ieiunando, orando, elemosinas faciendo perficiat; (T21, 22)

Mais la triade "jeûne, prière, aumône" n'est pas le seul ensemble de bonnes oeuvres traditionnellement connu. Le premier commandement, celui de l'amour de Dieu et du prochain est aussi considéré comme un devoir de tout chrétien. Nous le trouvons dans le sermon pour le quatrième dimanche du Carême:

52 Praecipit autem euangelium et docet ut deum super omnia et proximos nostros sicut nosmet ipsos diligamus; 53munditiam cordis et corporis sicut eius sancta lex docet custodiamus et bona nostra temporalia indigenti populo distribuamus. (T22, 52)

Dans ce sermon l'auteur de la version vernaculaire n'a pas suivi le texte original et a omis ces considérations sur les devoirs. Peut-être parce qu'elles sont trop générales et concernent trop une attitude intérieure. Mis à part le devoir de l'aumône exprimé à la fin, il n'y a pas dans ce passage des indications concernant des actes concrets.

Il en est de même dans le sermon pour le cinquième dimanche du Carême.

15 Praecipit nobis, ut deum super omnia diligamus, nec aliquid contra deum ipsum et legem eius superbe uel negligenter agamus. 16
Praecipit ut proximum nostrum sicut nos diligamus et ut nos sancte uiuamus et alios sancte uiuere doceamus et admoneamus | et indigentibus inquantum possumus de temporalibus bonis nostris subueniamus. (T23, 15)

De tous les commandements énumerés dans la version latine l'adaptateur n'a gardé que celui de l'amour de Dieu et du prochain:

13 e ki funt ço que Deu commande, e ki lui aiment sor totes choses, e son proisme si com lui meisme, cil sunt de Deu, ceus reconoist Dex si com ses fius. (T23, 13)

Mais le commandement de l'amour de Dieu et du prochain n'épuise pas les listes traditionnelles des devoirs chrétiens. Fondées sur les paroles de Jésus décrivant le Jugement Dernier, les oeuvres de charité fonctionnent également dans le christianisme depuis ses débuts et jusqu'à nos jours. Nous en retrouvons certaines dans le sermon pour le dimanche des Rameaux:

24 Sunt etenim multi qui bona faciunt, sed eorundem operum fructum ac meritum amittunt, pro eo quod ex alia parte uitiis et peccatis polluti et obuoluti daemoniis et non deo seruitium impendunt; talibus quippe bona opera ad salutem aeternam obtinendam minime | prosunt, quia admixta mala bonitatem eorundem operum, ne facientes ad aeternitatis praemium perducant, foedant et corrumpunt. 25Quid enim tibi prodest quod ieiunas a
cibo, nisi etenim ieiunas a peccato? 26Quid tibi prodest, quod elemosinam tuam das deo, si per aliquam culpam te ipsum das diabolo? 27Quid tibi prodest, quod pauperem recipis hospitio, si christum expellas de corde tuo? 28Quid tibi prodest, quodnudum circumdas uestimento, si te ipsum expolies opere bono? 29Sic non prodest tibi, quod ad sequendam sanctam processionem exis de domo tua, uel de uico tuo, nisi exeas de uitio tuo. (T24, 24-29)

Maurice de Sully, dans une serie de questions rhétoriques, harangue ses ouailles et leur indique le comportement à suivre. Il part de la constatation que les bonnes oeuvres ne suffisent pas, si l'on n'est pas purifié des péchés. Le jeûne et l'aumône, deux éléments de la triade traditionnelle, ne doivent pas être seulement des gestes extérieurs, mais il faut les accompagner d'une pureté intérieure. Après ces deux devoirs, l'auteur se réfère aux oeuvres de charité, mais n'en donne que deux: héberger les pauvres, vêtir les nus. Cette énumération des actes à faire est close par la mention de la procession qui renvoie au thème du jour: la célébration des Rameaux comprend une procession.

L'adaptateur de la version française reprend certains de ces éléments:

14
Il font sacrefise a Deu quant il font buenes uevres, quant il vont a sainte Eglise, quant il font aumosnes, quant ilrevestent les nus, quant il herbergent les povres, quant il vont en pelerinages, quant il font autres bones uevres. (...) 20Que li puet donques valoir, se il done son avoir a Deu e lui qui plus vaut done al diable? 21Quel porfit il puet estre si il vait en pelerinage, se il s'eslonge de sa vile, se il ne s'eslonge de son pecié e de son visce? 22Que li vaut se il herberges povres en son ostel, se il por l'amor del pecié qu'il a en soi Damedeu meisme debote de son corage? 23Que li vaut a vestir les nus, se il de l'amor Deu e de son proisme se despueille?

Le texte est pourtant simplifié: pas de jeûne ni d'aumône au début de l'harangue. L'auteur passe tout de suite aux "bonnes oeuvres", le terme qu'il emploie de telle manière à ce qu'il encadre l'ennumération des actions recommendables. Celle-ci comporte: vêtir les nus, héberger les pauvres et aller en pèlerinage.

Ce dernier point est particulièrement intéressant. La procession mentionnée dans le texte latin et normale dans le contexte de la fête des Rameaux, a fait place au pèlerinage - une pratique de dévotion qui aux temps de Maurice devenait de plus en plus populaire.

Plus loin, dans le même sermon, l'auteur du texte latin répète encore une fois une exhortation à se comporter selon les commendements de l'Église:

46 Nemo sit cibo et potui uel somno aut otio deditus, sed magis ad ieiu|nandum et uigilandum et bene agendum paratus. (T24, 46)

À côté du jeûne nous avons ici non plus la prière et l'aumône, mais le fait de veiller et de "faire le bien". Malgré un certain changement de la formule traditionnelle, la veillée était toujours associée à l'oraison, et "faire le bien" peut aisément être compris comme synonyme de l'aumône. On voit donc que Maurice de Sully, déjà en rédigeant la version latine, était prêt à remplacer les anciennes formules un peu sclérosées par des tours nouveaux, plus aptes à attirer l'attention de l'auditeur.

La règle générale, néanmoins, c'est que le texte latin suit de plus près la tradition patristique, tandis que l'adaptateur de la version française prend plus de liberté avec la matière qu'il travaille.

4) références scripturaires et patristiques

L'attachement de la version latine à la tradition est particulièrement visible dans le nombre important de citations scripturaires et patristiques. Chaque sermon contient, mis à part l'Évangile du jour, une ou plusieurs références à d'autres passages de la Bible, ainsi qu'aux écrits des Pères.

Le sermon du premier dimanche du Carême en présente même sept. La première citation vient du livre d'Isaïe (58, 3-5):

6 Quorundam enim hominum ieiunia apud deum non esse accepta Isaia propheta testante cognouimus... (T19, 6)

C'est le dialogue entre les juifs et Dieu, qui rejette les privations de Son peuple. Le jeûne n'a aucune valeur, explique le Seigneur, si tout en se privant l'homme oppresse ses semblables. Après cette citation, en vient une autre. Maurice de Sully rappelle le cas des Ninivites (Jon 3, 6-10):

17 Sic Niniuitae fecerunt quando in praedicatione Ionae paenitentiam egerunt... (T19, 17)

La prédication de Jonas était tellement efficace, que les habitants de Ninive se sont humiliés, ont fait preuve d'une contrition et ont imploré la miséricorde de Dieu. Comme dans le cas précédent, cet exemple doit montrer que le jeûne tout seul ne suffit pas, qu'il faut surtout rejeter son péché. Plus loin viennent deux brèves citations (1Co 5, 6 et Jc 2, 0) qui renforcent la mise en garde de la part du prédicateur.

30 Modicum enim fermentum totam massam corumpit. (T19, 30)

31 et alibi scriptura testante: Qui in uno offenderit omnium reus est, et multa bona perdet. (T19, 31)

Il souligne en fait que la conversion doit être radicale. L'homme ne devrait pas croire qu'il lui est permis de commettre des péchés si leur nombre est inférieur au nombre des bonnes oeuvres qu'il fait.

Après ce long discours sur le jeûne, le prédicateur revient à l'Évangile du jour, qui raconte la tentation de Jésus dans le désert. Puisque le Christ lui-même a connu les attaques du diable, l'homme doit s'attendre au même danger. Pour donner du courage aux chrétiens, Maurice de Sully cite la lettre de saint Jacques (Jc 1, 12):

50 Beatus uir qui suffert temptationem quam cum probatus fuerit, accipiet coronam uitae quam repromisit deus diligentibus se. (T19, 50)

Et tout de suite après il revient à l'idée signalée déjà dans le passage d'Isaïe: il ne suffit pas de jeûner, il faut encore donner des aumônes et distribuer aux pauvres tout ce qu'on a épargné grâce aux privations. Pour souligner l'importance de la bienfaisance, Maurice de Sully cite encore un passage de l'Évangile (Mt 25, 40. 34):

53 Quod uni ex minimis mei fecistis, mihi fecistis. 54Venite benedicti patris mei percipite regnum quod uobis paratum est ab origine mundi.

De même qu'il l'a fait pour le jeûne, l'auteur appuie encore son exhortation à la bienfaisance en citant le passage du livre de Tobie (Tb 4, 8-12)

55 de qua scilicet elemosina sanctus Tobias filium suum erudiens ita ait: 56De substantia inquit tua fac elemosinam et noli auertere faciem tuam ab ullo paupere.

Ce qui est le plus frappant dans la comparaison de deux textes, c'est le fait que dans la version vernaculaire aucune de ces sept citations n'a été reprise. On voit clairement que l'adaptateur réduit sérieusement tout ce qui touche à une érudition propre au clergé. Selon lui - semble-t-il - le peuple n'a pas besoin de tous ces arguments exégétiques. Au contraire, il faut simplifier le raisonnement, ne pas faire des digressions, pour que la parole soit plus compréhensible et, par là, plus efficace.

Il en est de même dans le sermon pour le troisième dimanche du Carême. L'Évangile du jour c'est un passage de saint Luc, qui raconte la guérison miraculeuse d'un possédé muet (Lc 11, 14). Maurice de Sully, tout au début de son sermon se réfère au passage parallèle dans un autre des Évangiles synoptiques, à savoir celui de saint Matthieu (Mt 12, 22-30), où le possédé est dit être non seulement muet mais encore aveugle.

4 qui scilicet mutus alio euangelista testante etiam caecus fuisse perhibetur, unde in uno homine tria pariter miracula peracta esse dinoscuntur.

Et en fait, dans le developpement du discours, l'auteur s'appuiera non pas sur Luc, mais sur Matthieu. Il décrira le triple miracle (le muet parle, l'aveugle voit, le possédé est guéri) et en expliquera la signification allégorique. Au cours de son sermon il évoquera encore un autre passage de l'Écriture (Ps 32, 1):

de quibus scriptum est: 23Beati quorum remissae sunt iniquitates et quorum recta sunt peccata.

Et là encore, l'adaptateur de la version française ne suit pas son modèle. Il rejette la référence à l'Évangile de Matthieu et ne se concentre que sur celui de Luc. Son miracle restera double, non triple (le muet parle, le possédé est libéré du démon).

Dans le sermon pour le quatrième dimanche une citation scripturaire apparaît dans la version française. Commentant la lecture évangélique sur la multiplication du pain (Jn 6, 5-6), Maurice de Sully souligne que la faim corporelle est moins importante que celle de l'esprit. Pour appuyer cette thèse, il évoque un passage évangélique approprié (Mt 5, 6). Il faut avoir surtout faim et soif de la justice:

27 Beati qui esuriunt et sitiunt iustitiam, quoniam ipsi saturabuntur. (T22, 27)

La même pensée est reprise dans le texte français:

28 quar ço dist Nostre Sire, que cil sont beneoit qui ont faim e soif de justise e de droiture, quar il seront soelé. (T22, 28)

Il est par ailleurs intéressant de voir que la traduction du texte biblique est élargie. Au lieu de la "justice" tout court, nous avons "justice et droiture".

L'autre citation scripturaire (Ps 17, 15) est omise dans la version vernaculaire:

33 et propheta in psalmo: 34Satiabor cum apparuerit gloria tua. (T22 33-34)

Dans le même sermon on retrouve une autre référence très intéressante. Maurice de Sully fait appel à l'autorité de saint Augustin pour expliquer la signification allégorique de cinq pains et deux poissons:

41 Dicimus | sicut ab aliis accepimus, quod quinque panes ordeacei designant quinque libros Moysi, duo autem pisces doctrinam prophetarum et psalmorum. (T22, 41)

Dans le texte français la même explication du symbole est donnée sans aucune allusion à une autorité quelconque. Cette régle est gardée dans l'ensemble du corpus. À chaque fois, quand Maurice évoque la tradition exégétique, que ce soit nominalement ou seulement à l'aide d'un pronom alii, la version vernaculaire omet cette remarque.

Dans le sermon pour le cinquième dimanche Maurice a introduit une seule citation scripturaire, à savoir les paroles de condamnation que Dieu prononcera au jour du Jugement (Mt 25, 41):

20 Ite maledicti in ignem aeter<num>, qui praepara<tum> e<st> d<iabolo> et a<ngelis> eius. (T23, 20)

Le texte français, comme d'habitude, omet ce passage.

Le cas du sermon pour le dimanche des Rameaux est tout à fait particulier. Dans la version latine ce sermon présente cinq citations scripturaires. Le texte français les omet toutes, mais introduit par contre une autre référence, absente du texte latin.

La première citation dans la version latine concerne la prophétie biblique (Za 9, 9) qui s'est réalisée par l'entrée triomphale de Jésus au Jérusalem:

12 Nam propheta per spiritum sanctum hoc futurum longe ante quam fieret prouidens, ita de hoc facto prophetauit dicens: 13Dicite, inquit, filiae Syon: 14Ecce rex tuus uenit tibi mansuetus et sedens super asinam et pullum filium subiugalis.

Ce passage du livre de Zacharie est d'ailleurs cité dans l'Évangile du jour, mais il est absent dans la version française. Celle-ci contient en revanche des considérations importantes sur l'histoire de Caïn et Abel. Ce fragment sera étudié en détail plus loin:

11 <Cains e Abels si furent frere, e si firent andui sacrefise a Deu de son gaaingnage, (T24, 11)

Dans deux autres citations scripturaires (Ap 22, 11 et Ps 37, 27) proposées par la version latine, il est question du sens symbolique de la procession. Elle doit en fait être le signe indiquant à tout chrétien qu'il est obligé de procéder du mal vers le bien et du bien vers le meilleur:

35 Procedat autem qui bonus est ad maiorem bonitatem, ut ipsa impleatur scriptura, quae dicit: 36Iustus iustitiam faciat adhuc et sanctus sanctificetur | adhuc.

38 Et de hoc sanctus Dauid propheta ita ait: 39Declina a malo et fac bonum, inquire pacem et sequere eam.

Mais la procession des Rameaux a aussi un autre sens: elle préfigure la future joie des Saints. Le prédicateur parle donc également de cette perspéctive eschatologique et à cette occasion cite l'Évangile (Mt 10, 22) et une lettre de saint Paul (1Co 2, 9):

41 De praemio autem perseuerantiae dominus in euangelio sic ait: 42Qui perseuerauerit usque in finem, hic saluus erit. (T24, 41)

43 (...) quod oculus non uidit, auris non audiuit, nec in cor hominis ascendit... (T24, 43)

Ces dernières citations ne figurent pas dans la version française.

5) comparaison

Dans le travail du prédicateur on peut distinguer deux aspects: l'explication de la doctrine chrétienne aux fidèles et l'exhortation de ces même fidèles à ce qu'ils suivent les commendements de l'Église. En accomplissant la première de ces fonctions le prédicateur a principalement recours à la comparaison. Les événements et les personnages de l'Évangile sont comparés à des réalités proches de l'auditoire médieval. Ces comparaisons, leur nombre et leur structure, sont différentes dans les deux versions du texte.

Le péricope évangélique pour le premier dimanche du Carême n'exige pas beaucoup de comparaisons. Le jeûne du Christ et la tentation qu'Il subit sont compréhensibles. Il suffit d'expliquer aux fidèles que ce jeûne est un exemple que Jésus nous donne à suivre. Néanmoins, dans le texte latin l'auteur introduit une comparaison pour démontrer aux fidèles l'importance de la confession:

35 Ac prudens ac sapiens colonus quando segetem uel messem suam | colligere cogitat, prius acceptis instrumentis suis de horreo suo paleam et immunditiam eliminat, ut in loco mundo messem suam reponat, ne per immunditiam loci messis ipsa putrefiat, et ita quod totum annum laborauerat, perdat. (T19, 35)

Dans cette comparaison il ne s'agit pas d'illustrer le sens allégorique de l'Évangile, mais de renforcer par une image proche de la vie quotidienne des auditeurs, l'exhortation à se purifier soi-même au début de ce temps du Carême qui mène à la communion lors de la solennité pascale.

Pour le deuxième dimanche du Carême le calendrier liturgique de l'époque prévoyait la rélation évangélique de la rencontre de Jésus avec la femme cananéenne. Cette païenne implorait la grâce du Christ et la guérison de sa fille, possédée par le démon. Le texte latin donne deux explications de cette lecture. Dans la première, la fille symbolise les juifs et les païens qui ont besoin de l'évangélisation. Dans la deuxième, cette même fille est la figure des chrétiens pécheurs:

23 Mulier ista Cananea est ecclesia de gentibus conuersa. 24Cuius filia a daemonio uexata est, eius gens a diabolo per infidelitatem adhuc ludificata. (T20 23, 24)

26 Possumus quoque intelligere per hanc filiam quamlibet animam per baptismum quidem regeneratam intra sanctam ecclesiam constitutam, sed a diabolo uitiis corruptam miserabiliter, quae tam diu a daemonio uexatur quam diu uitiis atque peccatis diabolo suggerente foedatur. (T20, 26)

Or, comme je l'ai déjà montré plus haut, l'adaptateur de la version française passe sous silence toute considération missionaire et apostolique. Il ne se soucie pas des gens qui ne connaissent pas encore le Christ. Son sermon est adressé aux peuple chrétien qui a toujours besoin d'exhortations et d'admonestations pour suivre l'enseignement de l'Église. Dans la version vernaculaire, on ne garde donc que la deuxième comparaison:

22 La fille en cui li diable estoit senefie l'anme al peceor crestien, u a la peceresse crestiene, cui li diables a asise, e en cui il regne par pechié, e cui il demaine si com il vuelt, par fornication, u par avultere, u par covoitise, u par glotonie, u par ivrece, u par haine mortel, u par usure, u par vendre a terme, u par autre pecié dampnable. (T20, 22)

Cette comparaison est aussi plus developpée. Le prédicateur énumère explicitement les péchés concrets. Et en plus, il prolonge la comparaison: en dehors du personnage de la femme cananéenne symbolisant l'Église et de sa fille figurant les "mauvais chrétiens", il est question de la guérison elle-même: Dieu exauce la prière de la Cananéenne chaque fois quand Il délivre les pécheurs du péché:

25 E Deus, qui oï la parole a la bone femme paiene e sa fille delivra del diable, il oie la proiere de sainte Eglise e delivre les anmes peceresses de pecié... (T20, 25)

Maurice de Sully a mis dans le sermon pour le quatrième dimanche du Carême trois comparaisons, dont une seule, la première, a été reprise par l'adaptateur:

41 Dicimus | sicut ab aliis accepimus, quinque panes ordeacei designant quinque libros Moysi, duo autem pisces doctrinam prophetarum et psalmorum. (T22, 41)

31 Li V pain d'orge, dont Nostre Sire soela les V mile homes, senefient la doctrine de la soie sainte loi; li doi piscon senefient la doctrine qui est es psalmes e qui est es livres des prophetes. (T22, 31)

La référence patristique présente dans la version latine et omise dans le texte vernaculaire, a déjà été analysée plus haut. Mais il est intéressant de voir, comment l'adaptateur donne à son auditoire des détails supplémentaires, qui sembleraient peut-être superflus à Maurice de Sully. Au lieu de "cinq livre de Moïse", ce qui est compréhensible pour les théologiens, mais pas forcément pour les laïcs, nous trouvons "la doctrine de la loi".

Deux autres comparaisons proposées par Maurice de Sully ont été omises dans la version vernaculaire. Dans la première, l'herbe, sur laquelle se sont assises les foules que Jésus a nourries du pain miraculeusement multiplié, est comparée à la chair:

43 Qui uidelicet populus super faenum sicut sacra euangelii lectio clamat comedendo recubuit (...)44faenum enim designat carnem... (T22, 43)

Dans la deuxième, l'auteur developpe l'idée que les pains d'orge figurent le Pentateuque, expliquant que le Nouveau Testament est supérieur à l'Ancien de même que le pain de froment surpasse le pain d'orge:

47 Quae, scilicet, doctrina noui testamenti per suam dulcedinem, suauitatem et bonitatem, et si non tempore tamen dignitate, doctrinam legis tanto antecedit, quanto frumentum ordeo iucundius ac melius comedentem reficit. (T22, 47)

Le sermon pour les Rameaux présente une comparaison dans la version latine et une autre dans la version française. L'adaptateur a donc d'abord omis l'explication allégorique de l'ânesse et de son petit, qui sont comparés aux juifs et païens:

16 Asina namque | et pullus quibus sedens Ierusalem uenit utriusque populi Iudaici uidelicet et gentilis simplicia corda designantur, quibus dominus praesidens et a noxia libertate suo frenans imperio ad uisionem supernae pacis inducit. (T24, 16)

D'autre part, l'introduction - dans le texte français - du passage sur Caïn et Abel amène l'adaptateur à en donner une explication:

14 Li malvais crestien e li buen sont frere, por ço qu'il sont baptisié el non Deu, e por ço qu'il sont en une creance. 15Il font sacrefise a Deu quant il font buenes uevres, quant il vont a sainte Eglise, quant il font aumosnes, quant il revestent les nus, quant il herbergent les povres, quant il vont en pelerinages, quant il font autres bones uevres. (T24, 14)

Le sacrifice d'Abel et celui de Caïn sont comparés aux bonnes oeuvres que tout chrétien est tenu de faire, selon les commendements de l'Église.

En règle générale donc, les comparaisons dans la version française sont moins nombreuses que dans l'original latin. L'adaptateur rénonce aux certaines découvertes exégétiques qu'il trouve sans doute trop compliquées et trop érudites pour un auditoire populaire. Du point de vue de la doctrine cet appauvrissement ne change pas grand chose: l'essentiel est dit, et même de manière plus claire puisque des considérations superflues (inutiles pour les laïcs) n'alourdissent pas le raisonnement. Mais cet aspect du travail de l'adaptateur sera encore étudié plus loin.

6) "nouveautés"

La dernière comparaison analysée dans le paragraphe précédent faisait partie d'un passage tout à fait original, introduit par l'adaptateur et ne figurant pas dans la version latine. De telles "nouveautés", c'est à dire des fragments spécifiques à la version française, quoique peu nombreuses, ne permettent pas au lecteur de passer outre. Certaines sont même très importantes.

Le dialogue entre la femme cananéenne et Jésus, rapporté dans le sermon pour le deuxième dimanche du Carême contient, dans le texte vernaculaire, une remarque tout à fait originale et bien intéressante:

18
Bels Sire Damesdeus, ja soit iço que nos ne soiomes mie digne de ton bienfait, si comme li fil Israel, qui sont en ta creance, sevels, por ço que nos somes tes creatures, nos dois aidier en aucun de nos bezoins. (T20, 18)

Le prédicateur explique le sens des paroles de la femme "Seigneur, même les chiots mangent des miettes qui tombent de la table de leur maître". Cette explication, est traditionnelle dans une certaine mesure: la femme était humble au point d'accépter la comparaison avec les chiens. Mais du fond de son humilité elle implorait toujours. Elle a réconnu qu'effectivement, qu'en tant que païenne elle n'était pas aussi digne de la miséricorde de Dieu qu'étaient les juifs. Jusque là, l'adaptateur a suivi son original latin. Mais il a mis ensuite dans la bouche de la femme un argument en plus pour appuyer sa demande: Jésus doit néanmoins aider les païens car eux aussi sont ses créatures.

Du point de vue de la doctrine chrétienne ce point me semble très important. Il souligne en fait l'universalité du Salut. Du coup ce péricope évangélique ne traîte pas uniquement de la foi d'une païenne, mais s'inscrive également parmi ces passages dans lesquels il est question de la mission méssianique du Christ, qui n'est pas - contrairement à ce qu'Il déclare Lui-même - venu uniquement pour le peuple d'Israel, mais pour l'humanité toute entière.

Un autre élément nouveau dans la version française du même sermon, c'est un developpement original de la comparaison entre la femme cananéenne et l'Église. C'est le troisième terme auquel se réfère cette interprétation mystique de la figure
scripturaire. L'auteur explicite ici la partie commune entre ceux deux domaines que T. Krzeszowski appellera source domain et target domain [5] , et G. Lakoff, le concept définissant et le concept défini [6] . C'est justement cette partie commune qui permet la métaphore [7] :

23
Or si comme la femme proia por sa fille, que Nostre Sire le delivrast del diable qui corporelment le traveilloit, ausi sainte Eglise prie de jor e de nuit par la bouce des provoires e par la bouce des sains eslis... (T20, 23)

Cette partie commune c'est la prière: la protagoniste du péricope évangélique prie pour quelqu'un d'autre de la même manière que l'Église prie pour les pécheurs. La constatation en elle-même est tout à fait traditionnelle. Mais, du point de vue de la doctrine, il est néanmoins important que l'adaptateur rajoute comment l'Église prie. Elle le fait par la bouche de prêtres et par la bouche des saints. Tout orthodoxe que soit cet article de la foi chrétienne, il n'est exprimé que dans la version vernaculaire. Cela témoigne du souci de son auteur, qui a saisi l'occasion de ce péricope pour rappeler aux auditeurs la vérité sur le rôle de la hiérarchie ecclésiastique.

Le sermon pour le troisième dimanche du Carême est centré sur le sujet de la confession. La figure du muet-possédé symbolise tout chrétien que le démon empêche d'avouer ses péchés. Pour renforcer cet image l'adaptateur peint son tableau en contrastes:

6 <Il nes a pas amuïs ne tolue la parole de mentir, ne de mal dire, ne de conseillier autrui de [mal] faire, u de parler d'ordure, u de lecerie, u de jurer Nostre Segnor e ses sains e ses saintes, de dire ço qu'il ne devroient - de ço nes a il pas amués! (T21, 6)

L'oeuvre du diable s'y présente de manière plus évidente et plus pittoresque à la fois. Celui qui rend les hommes muets lors de la confession, leur permet de parler quand il s'agit de commettre les péchés de la langue. Il semble au premier abord que cette remarque supplémentaire n'a aucune valeur doctrinale. Même si Maurice de Sully n'en parle pas dans sa version latine, cette idée du diable qui décide de ce que l'homme peut ou ne peut pas dire, concorde avec son texte et s'y trouve implicitement. Il faut cependant reconnaître que la façon dont la version française décrit l'action du mauvais esprit est plus évocatrice. Mais ce n'est pas tout. Comme je l'ai déjà écrit plus haut, la différence doctrinale entre le message de la version latine et celui du texte français ne consiste pas dans la divergence d'idées, mais dans la mise en relief des détails différents. La version vernaculaire confère en fait plus d'importance au Satan que la version latine. Cela devient évident dans un autre passage introduit par l'adaptateur et ne figurant pas dans l'original:

12 Malvais i vienent e pior s'en revont ; e c'est par le diable qui les a enfernés e qui les demaine si com il vuelt. (T21, 12)

Nous y trouvons l'idée que la confession, si elle n'est pas sincère, ou qu'elle ne soit pas suivie du rénoncement au péché, provoque encore plus de mal. Ceux qui sont venus avouer leurs péchés devant un prêtre et finalement n'ont pas tout dit, sont encore plus coupables qu'ils n'étaient avant de venir à la confession.

Le sermon le plus novateur c'est celui du dimanche des Rameaux. Nous y trouvons une importante citation scripturaire, absente du texte latin. C'est l'histoire de Caïn et Abel.

11 <Cains e Abels si furent frere, (T24, 11)

Ce qui est interéssant c'est que l'adaptateur ne parle pas du détail le mieux connu de leur histoire, à savoir du meurtre. Il s'arrête au sacrifice que les deux hommes ont offert à Dieu. On voit bien que les fidèles n'avaient pas besoin d'entrendre l'histoire des deux frères en entier. Les noms mêmes de Caïn et d'Abel étaient suffisamment évocateurs. Ces deux frères symbolisent les mauvais et les bons chrétiens qui, par le baptême, sont tous devenus frères. Ils offrent tous des sacrifices à Dieu, mais ceux-ci ne sont pas égaux. Il y a en fait des sacrifices qui plaisent au Seigneur, et d'autres, qui ne Lui plaisent pas. Ce n'est donc pas le sacrifice lui-même qui aurait une valeur inhérente. Sa valeur dépend de l'attitude du sacrifiant. Quant au contenu doctrinal de ce passage, il est donc identique avec celui - proposé par la version latine - du livre d'Isaïe, où les Israélites se plaignent que Dieu n'accepte pas leurs jeûnes.

Un autre passage tout à fait novateur c'est une similitudo - déscription d'une réalité spirituelle à l'aide d'une image se référant à la réalité matérielle, quotidienne:

33 C'est bien dist el fardel e es liens al diable] quar li diables est ausi com li marceans... (T24, 33)

L'idée que le Christ a, par Sa mort, enlevé les âmes au diable, n'a rien d'étonnant. La semaine qui commence avec le dimanche des Rameaux et finit avant la Résurrection est non seulement une commémoration des évenements d'antan. C'est un temps saint, dans la culture chrétienne du temps. Pendant cette semaine tout se joue de nouveau. Les célébrations liturgiques rendent les événements vivants, elles les actualisent. Chaque année le Christ meurt à nouveau, chaque année le jour de Pâques, Il enlève les âmes au démon.

Ce qui est par contre surprenant c'est la manière de le dire. Le Sauveur est en fait comparé au brigand qui dépouille un marchand de sa marchandise. Dans notre mentalité ce partage des rôles est inouï. Un brigand est par excellance mauvais, le lecteur sympathise avec le pauvre marchand.

Mais ce lecteur commet alors un anachronisme. Comme le souligne P. Roberts, l'Église médiévale était hostile aux marchands et banquiers. Il évoque un exemplum dans lequel le prédicateur affirmait que Dieu a créé les prêtres, les chevaliers et les laboureurs, mais le diable a créé les bourgeois et les usuriers. [8]

Dans ce contexte la comparaison ne surprend plus. Au contraire, à côté des toutes les récriminations contre l'usure et le procédé de "vendre à terme", elle est tout à fait claire. Elle constitue aussi une remarque doctrinale supplémentaire.

8) "croire, servir, aimer"

Il est intéressant de voir de plus près un motif qui semble caractéristique de la version française. C'est la remarque, souvent répétée, qu'un bon chrétien doit croire en Dieu, Le servir et L'aimer.

Dans le quatrième sermon cette pensée revient trois fois:

18 quar en itel segnor doit on bien croire, e tel segnor doit l'on bien servir, e celui amer, qui tels vertus puet faire e fait quanque il vuelt.> (T22, 18)

20 <Premierement li devons proier qu'il nos doinst lui croire e lui amer e lui servir... (T22, 20)

23 <se nos aviens faim, ço est, se nos estiens covoiteus, de lui parfitement amer, de lui conoistre, de lui servir... (T22, 23)

Dans le dernier passage cité le verbe "croire" est remplacé par "connaître". Mais puisqu'il s'agit d'une réalité surnaturelle, on peut considérer ces deux notions comme presque synonymiques. Il est également intéressant de voir que cette triple attitude envers Dieu est d'abord présentée comme un devoir de la part des chrétiens, mais ensuite comme une grâce que l'on doit demander et dont on doit avoir faim. Cette idée est complètement absente du texte latin, où il est bien question de la faim des biens spirituels, mais ces mêmes biens ne sont pas décrits explicitement. On peut, grâce aux citations bibliques, comprendre qu'il s'agit d'avoir soif de la justice et de la venue de la gloire de Dieu. Mais de tels "objets" du désir semblent beaucoup plus abstraits. Là où Maurice de Sully prévient ses auditeurs que les biens terrestres n'assouvissent pas la faim, contrairement aux biens spirituels, l'adaptateur ne condamne pas tout à fait les biens terrestres, mais souligne que l'homme doit d'abord désirer la grâce de connaître Dieu (ou de croire en Lui), de L'aimer et de Le servir.

9) "corps/esprit"

Comme je viens de le dire, le thème plus cher à l'auteur de l'original latin c'est l'opposition entre ce qui est corporel et ce qui est spirituel. Dans ce même sermon, où l'adaptateur de la version française developpera le motif de "croire-servir-aimer", Maurice de Sully souligne la différence entre les possessions terrestres et spirituelles:

25 ...sunt qui corporalia bona esuriunt et spiritualia contemnunt. (T22, 25)

Il condamne l'attitude de ceux qui ne s'intéressent qu'à ce qui est d'ici-bas. En oubliant la réalité surnaturelle, ils commettent en fait une double erreur, car ces mêmes biens matériels qu'ils convoitent, c'est bien Dieu qui les dispense:

24 Ab ipso ergo sperare debemus bonum siue corporale siue spirituale quo indigemus. (T22, 24)

Et le miracle relaté dans le péricope du jour le prouve bien:

21 quod tam laudabile miraculum nequiquam credendus est fecisse ut tantum modo illos qui tunc aderant corporaliter satiaret, sed etiam ut ipsos et omnes uel tunc uel deinceps in ipsum credentes in sua fide tanto miraculo solidaret, et ad spiritales et aeternas inuitaret. (T22, 21)

Dieu a fait un miracle matériel en multipliant le pain. Mais cet événement qui a eu lieu dans un moment précis de l'histoire, et qui concernait une réalité naturelle (la faim physique des foules) symbolise en fait la réalité surnaturelle [9] .

Il en est de même dans le sermon pour le troisième dimanche du Carême, où il est question de la guérison du muet-possédé:

6 Quae tria miracula tunc fecit dominus corporaliter. 7Sed necesse est ut eadem cotidie nunc facere non dedignetur spiritaliter. (T21, 6)

17 ...necessarium est humano generi ut misericors saluator oculos summae pietatis ad ipsum reducat et antiqua miracula sua, quae corporaliter | in mundo gloriose peregit, spiritaliter faciat (T21, 17)

Maurice de Sully insiste dans ces passage sur la nécéssité des miracles. De même que les malades de l'Évangile avaient besoin de l'action de Dieu, sans laquelle ils étaient désemparés et mis en marge de la société, de même pour les chrétiens de tous temps la grâce est indispensable pour qu'il puissent être libérés du péché.




[1] J. Longère, 1975.

[2] Ce terme signifie "vendre au crédit". Son histoire est sans doute liée à l'apparition en France des premières banques des Lombards.

[3]
A moins que le terme de lecherie n'ait ici le sens de "luxure". Selon le Trésor de la langue française informatisé (http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/fast.exe?mot=lecherie) c'est la
signification que présente ce terme dans le Roman de Brute de Wace (v.10745). Mais au XII siècle, dans le Roman de Renart ce même mot est employé au sens de "l'extrême gourmandise" (v.13233). Cette deuxième signification semble convenir mieux avec les substantifs précédents: glotonie, ivrece.

[4]
À commencer par Saint Augustin: "qua sententia proposita ipsa tria exsequitur: elemosinam orationem ieiunium."( De sermone Domini in monte 2, 80, ed. A. Mutzenbecher, 1967).

[5] T. Krzeszowski, 1997, Angels and Devils in Hell, Warszawa.

[6] G. Lakoff, 1985 Les métaphores dans la vie quotidienne, Paris, p. 118.

[7] J. David Sapir (1977, "The Anatomy of Metaphor" in The Social Use of Metaphor, University of Pensylvania Press, p. 6) l'explique en ces termes: "metaphor consists of three basic constituents, two terms from separate domains (...) plus the bundle of shared features".

[8] There was, first of all, the ancient ecclesiastical susupicion and hostility toward commerce. Merchants represented an intrusion on the three historic orders of society. A sermon exemplum remarks of the middle class that God made the clergy, knights and labourers, but the
devil made the bughers and usurers. (P. Roberts, "Preaching in/and the Medieval City" in Medieval Sermons and Society, Louvain 1998, p.161)

[9] Comme le dit G. Dahan: "les réalités décrites dans l'Écriture sainte, res primae (objets naturels, artificiels, animaux, nombres etc.) renvoient à des réalités secondes, res secundae" (:2000 : 225)